Qu’il semble loin le temps où l’homme ne pouvait compter que sur ses pieds pour se déplacer !

L’invention de la voiture individuelle à la fin du 18ème siècle (on s’accorde à dire que tout à démarré en 1769 lorsque Joseph Cugnot, 1725-1804, présente « le fardier à vapeur » un chariot propulsé grâce à une chaudière à vapeur) a profondément changé nos sociétés, en modifiant notre rapport à la distance et au déplacement.

Comme toute révolution industrielle majeure, l’histoire du développement de l’automobile s’est accompagnée de son cortège de maux, d’aberrations et de non-sens qui ont plusieurs fois remis en question le bien-fondé de son utilité et de son fonctionnement.

Aujourd’hui, nous vivons la généralisation de la consommation automobile de masse, dans un monde qui compte près d’un milliard de voitures, principalement thermiques.

Pourtant, aux prémices de l’ère industrielle, trois technologies de propulsion cohabitaient : la vapeur, le thermique et l’électricité.

Mais, en 1900 la majorité des automobiles étaient des voitures électriques. En effet, le moteur à explosion était au 19ème siècle une technologie nouvelle, complexe et difficile à mettre en œuvre. Le premier brevet d’un moteur à explosion monocylindrique a été déposé par le suisse François Isaac de Rivaz le 30 janvier 1807.

Il faudra attendre 1891 pour que la première usine de voitures à pétrole ouvre dans le 13ème arrondissement de Paris, avec la société Panhard et Levassor.

A cette date, la voiture électrique était déjà sur les routes. Dans ce contexte, pourquoi la voiture électrique n’occupe-t-elle pas le haut du pavé en ce début du 21ième siècle ? Un peu d’histoire s’impose

 
I – Qui a inventé la voiture électrique ?
Robert Anderson, un homme d’affaire écossais, réalise le premier prototype de voiture électrique vers 1830. D’autres essais de véhicules électriques ont lieu aux Etats-Unis dans la décennie suivante.

Mais pas de voiture électrique sans batterie. Les premiers prototypes utilisent des batteries qui ne se rechargent pas. Heureusement, le français Gaston Planté invente en 1859 la batterie rechargeable au plomb acide, qui sera la base des prochaines évolutions des voitures électriques.

L’histoire se poursuit en 1881, où trois premiers véhicules électriques crédibles sont présentés :

  • Un premier modèle probant de voiture électrique est mis au point par trois français : Camille Faure, électro-chimiste qui travaille à l’amélioration des batteries au plomb de Planté, Charles Jeantaud, constructeur automobile et Nicolas Raffard, ingénieur en mécanique.
  • Gustave Trouvé, ingénieur concepteur d’engins électriques (hélicoptère électrique, canot à moteur électrique) présente à l’académie des sciences son moteur électrique. D’abord adapté à une barque, Trouvé applique son moteur à un tricycle. Le véhicule est présenté à l‘Exposition Internationale d’Électricité de Paris en novembre 1881 comme la première voiture électrique de l’histoire. Le tricycle électrique relève pourtant encore du prototype et son utilisation sur route paraît délicate : avec un système de commandes à poulies, le conducteur doit immerger des plaques de métal dans des récipients contenant de l’acide pour moduler l’intensité du courant et donc sa vitesse.
  • Quelques mois plus tard, les deux ingénieurs anglais William Ayrton et John Perry, présentaient également un tricycle électrique. Cette “chaise électrique” était mue par un moteur connecté à la roue arrière droite. Des dizaines de batteries au plomb de Planté permettaient de délivrer 0,5 cheval pour une autonomie respectable d’une vingtaine de kilomètres! La voiture électrique d’Ayrton et Perry pouvait atteindre 15 km/h, même de nuit puisque le véhicule était équipé de phares électriques.

Grâce à ces réalisations, la voiture électrique va s’industrialiser peu à peu et entrer dans le cadre d’activités économique. En 1884, le britannique Thomas Parker réalise l’une des premières automobiles électriques de l’histoire. Il est l’ingénieur de la Elwell-ParkeLdt, qui fabrique et commercialise locomotives, bus et tramways électriques. La première voiture électrique de la société sera commercialisée en 1896. L’américain William Morrison s’inscrit dans la même démarche dès 1891.

Voiture Jeantaud.En France, Charles Jeantaud produit de 1893 à 1906 une voiture électrique qui porte son nom et bat les records de vitesse : 63km/h. ElectrobatAux Etats-Unis, les premiers succès commerciaux de la voiture électrique sont enregistrés par l’Electrobat en 1894. La voiture électrique de l’ingénieur Henry G. Morris et du chimiste Pedro G. Salomon ne roule pourtant qu’à 25km/h !

 
II – Les débuts prometteurs de l’auto électrique
La voiture individuelle électrique rencontre enfin son marché et ses premières applications sur la voie publique : les New-Yorkais peuvent croiser en 1897 les premiers taxis électriques circulant en ville.

Elle trouve ses lettres de noblesse dans l’histoire en faisant tomber des records. Aux premières heures des courses automobiles, les voitures électriques surpassent leurs concurrentes thermiques. Le premier véhicule à passer la barre des 100km/h fut la « jamais contente » (hommage à la femme du pilote!), en 1899 en Belgique. La jamais contenteCette automobile électrique était munie de pneus Michelin et les batteries représentaient la moitié du poids du véhicule, soit 750 kg.

Ce record marque l’âge d’or du véhicule électrique : près du tiers des véhicules circulant en 1900 sont propulsés par des batteries, à l’image de la Phaéton de Wood. En 1902, cette voiture électrique tenait une vitesse de 22,5km/h sur une distance de 30 km et coûtait 2000 $. Phaéton de WoodLa production de véhicules électriques atteint son apogée en 1910 grâce à un développement rapide des performances. Ces voitures électriques ont à ce moment de l’histoire l’avantage d’être très faciles à démarrer et n’ont pas le défaut de précéder un important nuage de fumées nauséabond.

En France, La Poste livre le courrier en voiture électrique dès 1901 avec la Mildé. Le véhicule électrique est fabriqué à Levallois-Perret et possède une autonomie de 50 km, une vitesse de pointe de 15 km/h pour un poids total de près de 1,5 tonnes.

 
III – Le déclin de la voiture électrique
Voiture Ford TCependant, deux éléments notoires vont brutalement freiner les premiers succès de la voiture électrique. D’abord les progrès technologiques dans le domaine des batteries, éternel talon d’Achille des véhicules électriques, vont végéter. A l’opposé, les progrès du moteur à explosion sont continus. Le coup de grâce sera ensuite donné à la voiture électrique par le lancement de la Ford T dès 1908, qui marquera petit à petit la démocratisation du véhicule thermique personnel. L’histoire bascule alors : les véhicules thermiques bénéficient de l’ère de l’essence bon marché. C’est le début de l’âge moderne de l’automobile.

Ainsi, la voiture électrique marquera le pas dans les années 1920. Sa trop faible autonomie la rend incompatible avec les nouveaux usages et les réseaux routiers qui s’étendent. C’est également le début de l’abondance de l’essence bon marché et le défaut de compétitivité économique par rapport au véhicules thermiques augmente (les Ford industrialisées coûtent jusqu’à deux fois moins cher).

 
IV – L’éternel échec des automobiles électriques
Le crack de 29 et la seconde guerre mondiale, en redistribuant largement les cartes de l’histoire de l’industrie automobile, enterrent définitivement la voiture électrique, qui semble complètement sortir de la route de l’histoire automobile au milieu des années 1930. Il faudra attendre un demi-siècle avant que l’homme imagine à nouveau se propulser à la force de l’atome, au fur et à mesure de l’évolution des consciences sur les impacts environnementaux et sociaux des véhicules électriques. La réduction de la pollution de l’air entre dans les problématiques du congrès américain qui recommande dès 1966 la construction de voitures écologiques.

Mais bien plus encore, ce sont les fluctuations du cours du pétrole qui remettent au goût du jour, les vieux concepts de transport « verts ». En 1973, avec le premier choc pétrolier et l’embargo de l’OPEP, l’opinion publique est prête à passer à la voiture électrique. Le vent de l’histoire semble alors tourner en faveur de la mobilité durable.

CiticarDe nombreuses initiatives sont lancées à travers le monde et des prototypes de voitures électriques, plus ou moins pertinents, fleurissent aux quatre coins de la planète. Mais très peu de projets de voitures écologiques sont menés à un stade industriel. Notons tout de même qu’en 1975, Vanguard-Sebring est le sixième constructeur américain avec sa CitiCar, qui peut rouler à 48 km/h sur 64 km.

Mais ce modèle de transport électrique, à l’image de bien d’autres, fait plus figure de gadget que d’alternative à la voiture thermique pour une nouvelle forme de mobilité. La société fera faillite deux ans plus tard.

En France aussi on s’essaie aux premiers prototypes d’automobiles électriques. Le ministre de l’environnement, Robert Poujade, roule dans une R5 électrique, mais elle ne sera jamais commercialisée à large échelle.

Pourtant, la volonté politique pour limiter la dépendance au pétrole reste importante. Le congrès américain adopte par exemple l’ Electric and Hybrid Vehicle Research, Development, and Demonstration Act, en 1976. Ce texte a pour but de promouvoir la recherche sur les batteries et le développement de la voiture électrique.

l'EV-1Il faudra atteindre 1990 pour qu’un véritable plan opérationnel de déploiement de la voiture durable et électrique soit adopté : la Californie vote en 1990 le Zero Emission Vehicle (ZEV), qui prévoit que chaque constructeur devra compter 2% de véhicules verts dans ses ventes en 1998 pour être autorisé à commercialiser ses autres voitures. Les grands constructeurs se mobilisent alors pour lancer des modèles de voiture écologiques. Général Motors, qui avait lancé un programme ambitieux de développement de voiture électrique, lance l’EV-1, première voiture électrique de série de l’ère moderne avec un peu plus de 1000 unités produites de 1996 à 1998.

Zoom RenaultEn France, les choses évoluent. Durant la première moitié des années 1990, les constructeurs réalisent différent prototypes d’automobiles écologiques. Renault teste la Zoom en 1992, une micro-citadine, et s’initie à l’hybride série en 1995 avec le programme Next. Next RenaultEn 1996, le prototype Vert de Renault tente de palier la faiblesse de l’autonomie avec une hybridation série à un générateur au gaz.

L’objectif des constructeurs est de tester la technique et les réactions clients avec, à terme, l’industrialisation des voitures électriques dans les 10 ans. Ainsi, en 1995, chaque constructeur français lance quelques flottes tests de voiture écologiques avec des administrations ou des clients pilotes.

Ces tentatives de commercialisation restent cependant à l’échelle embryonnaire, à l’image d’une série de modèles de voiture électrique lancé par PSA qui ne dépasseront pas le millier de ventes en raison d’une faible autonomie (80 km).

Au Japon, Toyota lance sa Prius en 1997, première voiture hybride de série, dont 18 000 exemplaires seront vendus la première année de commercialisation. De nombreux constructeurs sortiront à leurs tours des modèles hybrides : le Ford Ranger pickup EV, la Honda EV Plus, la Chevy S-10 EV, le Toyota RAV4 EV et la Nissan Altra EV.

Mais, malgré de belles avancées, la voiture électrique sera à nouveau, à partir des années 2000, une innovation qui ne rencontrera pas son public. Les ventes ne décollent pas vraiment et restent cloisonnées à des marchés de niche. Les constructeurs ne croient plus aux voitures 100% électriques.

En 2002, Daimler Chrysler et G.M. souhaitent faire annuler la loi californienne Zero Emission Vehicle (ZEV) de 1990. Ils sont soutenus par l’administration Bush.

En France, Renault lance en 2003 un Kangoo Elect’road, véhicule hybride. La production sera abandonnée après 500 exemplaires vendus.

GM : voitures détriutesOutre atlantique, GM reprend tous les modèles de voiture électrique commercialisés pour les détruire. Ces véhicules électriques étaient malheureusement proposés en leasing, méthode courante de commercialisation des véhicules aux Etats-Unis. Malgré une importante mobilisation, les conducteurs de voitures électriques ne sont pas parvenus à conserver leurs véhicules. C’est la fin des projets de voiture individuelle totalement électrique.

Seuls quelques voitures électriques « gadget », basiques et miniatures ont été lancées pour des applications de niche :

  • l’indienne Reva, 2001.

  • La norvégienne Think City, 2008.

Ces voitures électriques sont le plus souvent achetées par des flottes captives de professionnels ou des collectivités.

A ce jour, le véhicule tout électrique capable de remplacer en masse la voiture thermique particulière reste à inventer.