L’UFC – Que Choisir soumet une dix-septième proposition aux consommateurs, d’une portée plus générale et transverse : la création d’un « prix vert ». Cette proposition a été pensée non comme une fin en soi, mais comme un instrument : celui qui favoriserait l’émergence d’une consommation responsable.

 
1- Définition du concept et exemples d’application

Il convient tout d’abord de définir ce concept que l’UFC – Que Choisir souhaite faire émerger : le prix vert est le prix qui reflète le vrai coût environnemental de notre consommation. C’est donc celui qui inclut les externalités induites par le bien ou le service consommé pour sa fabrication, son transport, éventuellement son utilisation, mais aussi, en fin de vie, ses déchets.

Il s’agit donc d’abord d’un principe, à décliner marché par marché : celui de ne plus accepter que des atteintes à l’environnement, quand elles sont connues et systématiques, ne soient pas intégrées au prix de vente, et n’entrent donc pas dans les arbitrages des producteurs et des consommateurs. Ce concept serait, par nature, adaptable, avec diversité de formes dans sa mise en œuvre, selon les marchés.

Derrière le prix vert pourrait donc se trouver des taxes et contributions déjà existantes, comme d’autres à créer. Parmi les existantes, on peut penser aux écocontributions (qui financent la gestion des déchets, via les éco-organismes), la « taxe carbone » sur les énergies, ou encore les malus automobiles. Pour ces composantes existantes, l’idée serait de les afficher de manière plus lisible et plus transparente qu’aujourd’hui, et unifiée entre les différents marchés.

Naturellement, d’autres contributions ou taxes seraient à créer, pour étendre progressivement le concept à davantage de domaines. On peut ici penser aux exonérations dont bénéficient, sur le carburant, le transport aérien ou le fret maritime. Citons également les projets européens de création d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, appelée aussi « ajustement carbone ». L’idée ici est d’appliquer aux produits entrants sur le marché commun les règles de taxation des émissions de CO₂ que les fabricants auraient respectées s’ils avaient été installés sur le territoire de l’Union. Il s’agirait donc d’une mesure environnementale de taxation des pollutions, mais aussi d’égalisation des conditions de concurrence.

On le voit, le prix vert serait, selon les cas, payé soit par les consommateurs au moment de l’achat, en sus du prix du distributeur, soit par les producteurs (ou les importateurs), au cours du processus de fabrication ou d’importation.

 
2- Les principes du prix vert tel qu’imaginé par l’UFC – Que Choisir

Puisque cette mesure revient à augmenter le prix de certains biens et services, même pour un impérieux motif environnemental, le prix vert devra répondre à cinq principes clefs, pour être acceptable par les consommateurs.

2.1 - La transparence

Le premier principe du prix vert doit naturellement être sa totale transparence vis-à-vis des consommateurs. Pour les biens et services où le prix vert est assumé directement par les consommateurs, ceux-ci doivent, lors de leur achat, savoir précisément ce qu’ils paient en sus du prix « de base », mais aussi pouvoir accéder à une information claire sur la destination de cet argent. Cette transparence doit se traduire, pour le montant payé, par un affichage sur le lieu de vente qui soit lisible, clair et uniformisé. Pour la destination des sommes collectées, l’outil numérique pourra être mobilisé, par un dispositif clair et pédagogique. Cette transparence est une condition sine qua non de l’acceptation par la population du prix vert.

2.2 - La neutralité budgétaire

Un deuxième principe, là aussi garant de l’acceptabilité de la mesure, est la neutralité budgétaire, pour la collectivité des consommateurs, des sommes qui leur sont directement prélevées. Il ne serait pas acceptable que le prix vert devienne une deuxième TVA, c’est-à-dire une taxe aveugle sur la consommation qui abonde le budget de l’Etat.

Au contraire, le principe doit être posé que, au moins pour les taxes nouvellement créées, les sommes collectées doivent, d’une manière ou d’une autre, revenir en intégralité aux consommateurs. Naturellement, pour que le prix vert puisse avoir un effet incitatif et détourner les acheteurs d’une partie des produits néfastes pour l’environnement, la compensation ne pourra pas se faire de manière systématique auprès de la personne qui aura acquitté le prix vert. Mais au niveau de la collectivité des consommateurs, la neutralité budgétaire doit être obtenue.

Elle peut l’être de différentes manières :

  • Dans le cas des dépenses contraintes, une compensation des ménages modestes et/ou captifs doit être mise en œuvre, ainsi qu’une aide spécifique, lorsque c’est pertinent, pour couvrir le « coût de sortie » pour changer de prestataire ou d’équipement (on peut ici penser aux dépenses de chauffage, plus élevées pour les consommateurs qui vivent dans des « passoires thermiques ») ;
  • Lorsque c’est possible, une logique de bonus/malus peut être adoptée (comme l’UFC – Que Choisir le demande pour l’électroménager, par exemple), pour que les malus payés sur les produits polluants financent un bonus sur les produits plus vertueux. Dans ce cas de figure, il est essentiel que, si le produit des malus excède les bonus versés sur une année, les montants soient revus l’année suivante pour parvenir à la neutralité recherchée ;
  • Enfin, dans les cas de figure où seule une taxation est possible, car aucun produit ou service vertueux n’existe (on peut penser à une taxe sur des plastiques non recyclables, par exemple), alors le produit des taxes doit intégralement être fléché vers le financement de nouvelles actions environnementales du pays.

2.3 - La double progressivité

Comme tout dispositif qui vise à faire changer les comportements d’achats, il est nécessaire d’envisager un déploiement progressif, pour permettre aux consommateurs de modifier le cas échéant leurs actes et habitudes d’achat pour « échapper » au surcoût. Cette progressivité doit avoir deux dimensions :

  • D’une part, dans l’ampleur du prix vert imposé aux produits polluants, qui doit augmenter sur quelques années, pour donner la possibilité aux consommateurs de s’adapter, et non s’appliquer intégralement de manière brutale.
  • D’autre part, dans l’étendue des produits concernés, qui doit augmenter année après année, selon l’incidence environnementale du produit et selon le degré de maturité « technique » du calcul des pollutions sur ce marché (voir infra).

2.4 - La justice

Le prix vert, par essence, est un outil permettant un fonctionnement plus juste des marchés en intégrant des coûts cachés, supportés aujourd’hui par certains producteurs ou consommateurs et pas par d’autres, ou alors par la collectivité dans son ensemble. Ainsi, le prix vert permettrait une concurrence juste entre les producteurs qui cherchent à limiter leur incidence sur l’environnement et ceux qui n’ont pas intégré ces éléments. Il permettrait aussi d’égaliser les conditions de concurrence entre les produits fabriqués en Europe, en respectant les normes et la fiscalité environnementales européennes, et les produits venus de pays moins-disant sur cette dimension. Enfin, il pourrait rétablir, dans certains cas, la justice entre consommateurs et producteurs : on peut ici penser au coût de la dépollution de l’eau, aujourd’hui payée par les consommateurs et non les agriculteurs.

2.5 - L’efficacité

Dernier principe qui doit guider le prix vert : l’efficacité. Pour agir réellement sur les comportements, tant des producteurs et des distributeurs que des consommateurs, le montant des taxes et contributions doivent être, à terme, suffisamment élevés, en fonction de l’élasticité-prix de chaque marché.

 
3- Une mesure vertueuse, qui devra être compensée pour les plus modestes

Le concept du prix vert est par nature vertueux pour les consommateurs et leur environnement, mais il générera aussi de l’inflation sur certains produits, qu’il convient de compenser.

3.1 - Une généralisation du principe pollueur-payeur

Le prix vert revient, pour reprendre le jargon des économistes, à « internaliser les externalités », c’est-à-dire à donner un prix aux incidences négatives sur l’environnement de la production ou de la consommation d’un bien ou d’un service, et à faire supporter ce prix, selon les cas, au producteur et/ou au consommateur. Autrement dit, cela équivaut à appliquer le principe pollueur-payeur à la plus large part de notre consommation. Or, l’UFC – Que Choisir défend l’efficacité autant que la justice du principe pollueur-payeur.

3.2 - Une amélioration de la compétitivité-prix des produits écologiquement vertueux

Lorsqu’un fabricant cherche, aujourd’hui, à réduire l’incidence environnementale de ses produits ou de ses modes de fabrication, il n’en retire pas nécessairement un avantage concurrentiel. Ses coûts de production peuvent augmenter, sans que les consommateurs n’aient la possibilité de percevoir la plus-value écologique de son produit par rapport aux concurrents, et donc sans que ses ventes n’augmentent. On le comprend, cette situation n’est pas favorable à une large diffusion dans les entreprises de l’éco-conception ou des modes de production protecteurs de la nature.

Le prix vert vise justement à changer cet état de fait. En augmentant le prix des produits ou des modes de production polluants, et en diminuant, dans les marchés où cela est pertinent, celui des produits les mieux-disant, on modifie l’équilibre du marché en faveur de ces derniers. Peut ainsi s’enclencher un cercle vertueux, où les producteurs qui ne font pas d’effort sont progressivement évincés du marché, au profit des entreprises intégrant réellement la dimension écologique dans leur activité.

Dans la même logique, le prix vert est aussi un moyen de valoriser les produits durables : lorsque les indicateurs d'évaluation de la durabilité et de la réparabilité auront été fiabilisés, ils pourront entrer dans le champ d’application du prix vert, avec un malus sur les produits à la durée de vie trop faible ou qui ne sont pas réparables.

3.3 - Des moyens d’information nouveaux donnés aux consommateurs

Enfin, le prix vert tel que nous l’envisageons, c’est-à-dire pleinement transparent et pédagogique, donnerait un outil supplémentaire aux consommateurs qui le souhaitent pour « verdir » leur consommation. En effet, au-delà de l’effet prix, ils accèderaient à une information standardisée et fiable sur l’incidence environnementale des différents produits ou services sur un même marché.

3.4 - Un risque inflationniste qui doit être nuancé et compensé

Il convient d’en avoir conscience et de l’assumer : intégrer aux prix de vente les « coûts cachés » de la pollution, c’est par définition augmenter le tarif d’un certain nombre de produits et de services. Bien que cela se fasse dans un objectif environnemental affirmé, une partie au moins des consommateurs sera donc confrontée à une hausse du prix de leur consommation.

Ce risque est toutefois à relativiser. Tout d’abord car le principe de neutralité budgétaire doit permettre d’en limiter grandement les effets sur les prix, par des bonus ou des compensations pour les plus modestes et les consommateurs captifs. Ensuite, l’application plus large du principe pollueur-payeur peut permettre aux consommateurs de ne plus avoir à payer indûment pour certaines pollutions. Dans le cas du traitement de la pollution de l’eau par exemple, ce serait bien une économie pour les consommateurs et les contribuables que d’avoir une application stricte du principe préleveur-pollueur-payeur.

Enfin, il convient de ne pas raisonner en statique, mais en dynamique. Faire payer aux producteurs le prix de la pollution ne sera pas neutre sur le niveau de celle-ci, puisque la mesure vise d’abord à la diminuer, et donc à réduire les coûts qui y sont associés (dépollution ou gestion des déchets, par exemple). Le prix vert ambitionne de faire changer les pratiques, en particulier des producteurs, et ces changements de pratiques viendront contrebalancer une éventuelle inflation initiale. Dans tous les cas où la prévention est moins coûteuse que la dépollution, alors le prix vert ne sera pas inflationniste, mais bien déflationniste. Les consommateurs bénéficieront donc d’économies dans certains secteurs, qui compenseront tout ou partie des augmentations survenues par ailleurs.