L’eau est un des sujets consuméristes auxquels l’UFC que Choisir s’intéresse depuis de nombreuses années, que ce soit pour le prix payé par le consommateur et les différentes composantes de celui-ci, pour la qualité de l’eau distribué au consommateur ou pour la qualité de la ressource en eau et la préservation de celle-ci (eaux de surfaces ou eaux souterraines). |
2005 : Une première campagne d’action ! |
Il y a douze ans, lors de la discussion du projet de loi sur l’eau, nous avions déjà dénoncé le contenu de ce projet et mis en avant six raisons de le refuser. Partant de plusieurs constats :
L’UFC Que Choisir dans une campagne d’action « Eau-réconciliation 2015 » faisait six propositions dérivant de deux objectifs :
Pour cela nous demandions
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2017 : Pourquoi une nouvelle campagne d’action ! |
Douze ans après la campagne de 2005 et la loi sur l’eau adoptée en 2006 où en est-on des constats que nous avions établis et de nos propositions ? Que ce soit vis-à-vis de la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines, de l’usage des pesticides, de la répartition des taxes perçues par les agences de l’eau et de l’incitation à des changements des pratiques agricoles, rien ou presque n’a changé ce qui suffirait à justifier une nouvelle campagne d’action. De plus le contexte des Etats Généraux de l’Alimentation censés accompagner une transition écologique de l’agriculture nous amènent à lancer une nouvelle campagne centrée sur la préservation de la ressource aquatique : « S-eau-S »
Nos constats en 2017
1 - Des ressources en eau de plus en plus dégradées et rares. Pour les pesticides la norme de potabilité est dépassée au niveau national dans la moitié des eaux de surface et le tiers des nappes phréatiques. Pour les nitrates la pollution persiste dans les eaux de surface et s’aggrave dans les nappes phréatiques.
2 - Des restrictions estivales des usages de l’eau sur la quasi-totalité du territoire en 2017 dues à la sécheresse . 84 départements ont connu des restrictions d’eau et 37 ont été déclarés en situation de crise. Cette situation risque de se répéter et de s’aggraver dans les années à venir à cause du réchauffement climatique. 3 – Des pratiques agricoles toujours aussi intensives et polluantes. Malgré le plan « Ecophyto » lancé en 2008 lors du « Grenelle de l’environnement » la quantité de pesticides utilisées mesurée en NODU (Nombre de doses unités) a progressé de 18% en cinq ans au lieu d’une réduction de 50% prévue en 2008 ! Quant à l’utilisation des engrais azotés elle est toujours aussi massive et aussi élevée en kg/hectare en 2017 qu’en 1992 ! 4 – L’irrigation aggrave la raréfaction de la ressource. Les surfaces irriguées ont été multipliés par 3 depuis 1970 et la carte des restrictions d’eau est étroitement liée à celle des surfaces irriguées, notamment dans les zones de culture du maïs, gros consommateur d’eau….en été… et donc en période de sécheresse. 5 – La politique de l’eau est un double échec à la fois pour sa réglementation et sa gouvernance. La PAC (Politique Agricole Commune) était censée depuis 2003 orienter les aides aux agriculteurs vers des pratiques plus éco-responsables (principe d’éco conditionnalité). Plusieurs audits de la Cour des Comptes Européennes ont montré que ce principe n’était pas suffisamment respecté par les Etats européens dans l’attribution des aides qui continuent à soutenir des pratiques agricoles intensives peu respectueuses de l’environnement. Quant à la gouvernance de l’eau elle est assurée en France par les agences de l’eau, les comités de bassin et les commissions locales de l’eau (cf. les acteurs de l’eau), elle est sous influence agricole. La représentation des consommateurs dans ces structures est dérisoire (et sans rapport avec leur contribution à leur financement) (sept représentants sur 165 au Comité de bassin Rhône-Méditerranée de l’agence Rhône-Méditerranée Corse (RMC) et 3 sur 38 au Conseil d’administration. 6 – Le budget des agences de l’eau ignore toujours les principes « pollueur-payeur » et « préleveur-payeur ». En tant que consommateur vous payez deux redevances sur votre facture d’eau : une redevance « pollution » qui taxe l’utilisateur en fonction des pollutions qu’il occasionne (principe pollueur-payeur), une redevance « prélèvement » qui taxe l’utilisateur en fonction des prélèvements qu’il effectue sur la ressource. Pour l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée la répartition de ces taxes en 2015 entre consommateurs, agriculteurs et industriels est la suivante :
Les consommateurs assument 91% de la redevance pollution (87% au niveau national, c’est avec l’agence RMC que les consommateurs paient le plus en France) alors qu’ils ne sont responsables que d’environ 20 % de la pollution. Les agriculteurs ne paient que 4% alors qu’ils sont responsables d’environ 70% de la pollution. De même pour la redevance prélèvement où la part supportée par les agriculteurs est sans commune mesure avec leurs prélèvements. C’est le résultat de politiques au niveau des agences de bassin qui n’incitent pas assez (y compris via des taxes) à des pratiques moins polluantes et à des méthodes d’irrigation ou des cultures moins consommatrices de la ressource. 7 – Un budget ponctionné par l’Etat sans lien direct avec la gestion de l’eau. Enfin « cerise sur la gâteau » depuis plusieurs années le budget des agences de l’eau est ponctionné de sommes importantes soit dans le cadre de plans d’économie, soit pour financer des structures qui n’ont rien avoir directement avec la gestion de l’eau. Le projet de loi de finances 2018 prévoit un prélèvement de 300 millions d’euros (15% du budget des agences) pour financer l’Office national de la chasse et de la faune, l’Agence française pour la biodiversité et les parcs nationaux !
Nos demandes pour une ressource aquatique préservée.
Au vu de ce constat qui est malheureusement conforme à celui fait il y a douze ans et qui confirme l’échec de la politique de l’eau, dans le cadre des Etats Généraux de l’Alimentation dont l’objectif affiché est de promouvoir une alimentation saine et durable et au vu d’exemples étrangers et nationaux qui montrent qu’il est possible, par une politique de prévention, de limiter les dommages environnementaux pour un coût réduit, l’UFC-Que Choisir demande : - une rénovation en profondeur de la gouvernance dans les agences de l’eau, à défaut la seule voie possible étant d’exiger une reprise en main de cette politique par l’Etat ; - une stricte application du principe « préleveur-pollueur-payeur » ; - la mise en place de véritables mesures de prévention des pollutions agricoles et de l’épuisement des ressources en eau ; - une aide à la reconversion vers des cultures moins consommatrices d’eau et de pesticides, notamment dans le cadre des aides de la PAC ; - l’arrêt des ponctions de l’Etat sur le budget des agences de l’eau.
Quelques liens utiles pour approfondir ce sujet :
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