Vrai et Faux. 

Les charges que le bailleur peut récupérer auprès d’un locataire sont limitativement énumérées par la réglementation et ne peuvent pas être modifiées même d’un commun accord. Cette liste ne mentionne pas les factures d’électricité (consommation et abonnement) du logement loué. Ainsi, il ne s’agit pas d’une charge récupérable par votre bailleur. Par ailleurs, un locataire en sa qualité de consommateur final d’électricité doit pouvoir choisir librement son fournisseur. Pour ce faire, son logement doit être équipé d’un compteur individuel.

Bon à savoir : tout le monde ne peut pas être un fournisseur d’énergie.

L’activité de fourniture d’électricité est soumise à autorisation. Or, votre bailleur n’est pas un fournisseur. Certains fournisseurs interdisent au titulaire du contrat la cession même à titre gratuit de l’électricité livrée à un tiers. Or les contrats de bail contiennent parfois des clauses dites « de revente » prévoyant que le locataire remboursera à son bailleur les factures d’énergie représentant sa consommation personnelle. En tenant compte des éléments précités, ces clauses sont contestables. Toutefois, selon l’appréciation des juges et les faits des cas soumis, les décisions rendues par les tribunaux en cas de conflit ne sont pas identiques :

  • une clause de revente a pu être annulée à plusieurs reprises pour les motifs cités ci-dessus. Le bailleur a été contraint à rembourser à ses locataires les factures d’électricité qu’ils lui avaient réglées ;
  • ce type de clause a également pu être validé en vertu des usages et le bailleur a conservé les sommes versées par le locataire au titre des dépenses d’électricité du logement ;
  • malgré l’annulation de la clause, le montant des factures d’électricité a pu être laissé à la charge du locataire. En effet, l’électricité avait été effectivement consommée et celle-ci ne pouvait pas être restituée en nature à la suite de l’annulation de la clause.

Et pour le gaz ? Le raisonnement évoqué ci-dessus pour l’électricité est transposable au gaz.

Pourquoi est-il risqué de ne pas avoir de contrat à son nom dans ce type de situation ?

Cette situation de fait n’est pas conforme à la réglementation sur l’activité de fourniture d’énergie et sur les droits du consommateur final. L’activité d’achat pour revente nécessite une autorisation ministérielle. La demande d’autorisation doit être accompagnée d’un dossier permettant d’apprécier les capacités techniques, économiques et financières du demandeur et la compatibilité de son projet avec les obligations de service public qui lui incomberaient si sa demande était acceptée. Un bailleur n’est pas titulaire d’une telle autorisation.

Par ailleurs le consommateur final doit pouvoir choisir librement son fournisseur. L’immeuble ou la partie d’immeuble loué doit être équipé de façon à permettre ce libre choix et ainsi être équipé d’un compteur individuel faisant partie du réseau de distribution. Dans deux arrêts de la 2e chambre civile de la Cour d’appel de Nancy rendus le 26 juillet 2018, le bailleur a été condamné à faire procéder à la pose, à ses frais et sous 3 mois, d’un compteur électrique individuel pour permettre à ses locataires de choisir leur propre fournisseur d’électricité.

Cette situation n’est pas conforme à l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et au décret n°87-713 du 26 août 1987 sur les charges récupérables par le bailleur auprès du locataire.

L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 fait partie des articles d’ordre public de cette loi. Il n’est pas possible d’y déroger même d’un commun accord entre bailleur et locataire. La liste des charges récupérables établie à l’annexe du décret n°87-713 est limitative ce qui a d’ailleurs été rappelé plusieurs fois par la Cour de cassation. Or la facture d’énergie se rapportant au logement loué ne figure pas parmi la liste des charges récupérables.

Cette situation peut être une source de contentieux entre le locataire et le bailleur. Et les éléments suivants sont à prendre en compte :

Durée de la procédure : le bailleur ou le locataire peut engager une action en cas de contestation sur le remboursement de la facture d’énergie ce qui va leur prendre du temps. Ainsi à titre d’exemple, un locataire a attendu presque 4 ans pour obtenir un arrêt de la Cour de cassation. Pour une autre affaire, un locataire avait obtenu un arrêt de la Cour de cassation en un peu moins de 3 ans.

Incertitude quant à la clause autorisant le bailleur à se faire rembourser la facture d’électricité du logement loué : une telle clause peut aussi être une source d’insécurité juridique. En effet, certains juges les valident alors que d’autres, non, voire en cas d'annulation de la clause n'appliquent pas les mêmes conséquences.

Cette situation est aussi risquée pour le bailleur car il est responsable du compteur pour lequel il est titulaire de l’abonnement à la fourniture d’énergie.

Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 4 avril 2019 n°312/2019, le distributeur qui a constaté une manipulation sur le réseau avec des branchements en amont du compteur a engagé une action contre le bailleur. Les conséquences de cette manipulation dont l’origine n’a pas été établie ont été mises à sa charge. En tant que seul titulaire du contrat de fourniture d’électricité, il a été condamné par les juges d’appel à payer au distributeur Enedis la facture des consommations litigieuses qui s’élevaient à plusieurs milliers d’euros.