1 - L’action de l’Europe vis-à-vis des consommateurs

Les mécanismes institutionnels de l’UE fixés par les différents traités sont sans équivalent dans le monde et reposent principalement sur trois entités :

  • Le Conseil européen, qui réunit dirigeants nationaux et européens, fixe les grandes priorités de l'UE. Il est complété par le Conseil de l'Union européenne où sont défendus les intérêts des États membres. Il adopte la législation et coordonne les politiques de l’UE. En font partie les ministres de chaque pays en fonction des problèmes traités et il est présidé, à tour de rôle, par chaque pays de l’UE pour une durée de six mois.
  • Le Parlement européen, composé des députés élus au suffrage universel direct, est doté de compétences législatives, budgétaires et de surveillance.
  • La Commission européenne, dont les membres sont désignés par les gouvernements nationaux, propose des textes législatifs, veille à leur application, met en œuvre les politiques et le budget de l'UE. Elle est composée d’une équipe de commissaires (un par État membre), qui forment ensemble le « Collège ».

A ces trois institutions clefs s’en rajoutent plusieurs autres (Cour de Justice Européenne, Banque Centrale Européenne…). Pour en savoir plus consultez le site de l’UE.

Le processus décisionnel dans l’UE est une « codécison » entre la Commission, le Parlement et le Conseil pour élaborer les politiques et la législation mises en œuvre dans toute l'UE. En principe, la Commission présente des propositions de législation, qui sont adoptées par le Parlement et le Conseil. Une fois adoptés, les actes législatifs sont mis en œuvre par les États membres et la Commission, qui est chargée de veiller à ce qu'ils soient correctement appliqués.

La politique des consommateurs de l'UE vise à :

  • offrir aux consommateurs une protection contre les produits dangereux ;
  • veiller à ce que leurs décisions en termes de dépenses s’appuient sur des informations claires, exactes et cohérentes ;
  • leur donner accès à des moyens rapides et efficaces de résolution des litiges avec les commerçants et garantir le respect de leurs droits ;
  • adapter leurs droits à l’évolution économique et sociétale.
 
2 – Réalisation de l’UE pour les consommateurs : des avancées et des défaillances !

L’UE a des responsabilités dans de nombreux domaines qui nous concernent directement en tant que consommateurs, de l’étiquetage des produits alimentaires aux droits des passagers, en passant par la sécurité des jouets et la protection des données.

2.1 -  Des droits renforcés

  • La législation européenne vous donne la possibilité, grâce au droit de rétractation, de vous raviser et de récupérer votre argent pendant les 14 jours suivant un achat fait sur Internet ou lors d’une vente à votre domicile.
  • Le Règlement européen général sur la protection des données (RGPD) protège vos données personnelles et votre vie privée. Depuis mai 2018, il vous donne le pouvoir de contrôler l’usage fait de vos informations personnelles. Cela oblige les entreprises et les organismes publics à faire preuve d’une plus grande transparence envers vous.
  • Grâce au droit européen des passagers aériens (voir notre Guide « vos droits en vacances »), vous pouvez, depuis plus d’une décennie, obtenir un remboursement et une indemnisation si votre vol est annulé dans les 2 semaines précédant votre départ. En cas de retard, vous pouvez également être remboursé ou (dans certains cas) percevoir une indemnité. Depuis le 1er juillet 2018, une nouvelle réglementation européenne renforce l’information du voyageur. Sont concernés les prestations incluses dans les forfaits touristiques et les droits du consommateur en cas de modification, d’annulation ou de non-conformité de la prestation. De plus, la responsabilité automatique du vendeur est prévue en cas de problème.
  • Depuis juin 2017, le règlement européen sur le roaming est entré en vigueur. Désormais, vous ne payez rien de plus que votre forfait national lorsque vous appelez ou envoyez un SMS ou un MMS depuis n’importe quel autre pays de l’UE vers une ligne fixe ou vers un mobile français ou d’un pays de l’UE.
  • La garantie légale de conformité vous permet pour tout achat effectué dans l’UE d’obtenir auprès du vendeur l’assurance pendant deux ans de la réparation, du remplacement ou du remboursement d’un achat non conforme.
  • Outre la législation spécifique aux produits, par exemple pour les jouets et les cosmétiques, l’UE a adopté un cadre général pour leur sécurité. Si des produits dangereux sont découverts sur le marché, les États membres activent le système d’alerte rapide de l’UE (Rapex ou Safety Gate). Cette base de données permet aux autorités nationales d’échanger des informations sur les articles présentant un risque.
  • Il y a plus de 100 000 produits chimiques sur le marché de l’UE. La législation européenne (règlement Reach) exige de leurs fabricants qu’ils les enregistrent et évaluent leur sécurité. Les substances chimiques inquiétantes nécessitent une autorisation. Le règlement Reach garantit normalement votre « droit de savoir ». Vous pouvez l’invoquer pour demander aux entreprises des informations sur les substances chimiques inquiétantes contenues dans les produits qu’elles commercialisent.
  • L’UE contribue également au règlement des litiges avec les professionnels. Une plate-forme en ligne de règlement des litiges est censée permettre aux consommateurs et aux professionnels de régler en ligne les litiges relatifs aux achats en ligne. Et enfin le réseau des Centres européens des Consommateurs apporte une aide et des conseils gratuits aux consommateurs sur leurs achats transfrontaliers et les aide dans la résolution de leurs litiges.

 

2.2 - Un agenda du consommateur 2020-2025

Au début de la mandature qui s’achève l’UE s’est dotée d’un Agenda du consommateurs 2020 -2025 qui prévoyait des actions concrètes dans cinq grands domaines, pour protéger les consommateurs et leur donner la possibilité de jouer un rôle actif dans la transition écologique et numérique :

  • Mieux les informer sur la durabilité des produits pour accroitre les ventes des modèles les plus durables, combattre certaines pratiques, tels que l’écoblanchiment ou l’obsolescence prématurée, favoriser la réparation des produits et encourager l’achat de produits circulaires et plus durables.
  • Garantir que les consommateurs bénéficient de la même protection en ligne que hors ligne : crédit à la consommation et services financiers, sécurité générale des produits, protéger les droits fondamentaux en rapport avec l’intelligence artificielle, combattre les pratiques commerciales en ligne qui font fi des droits des consommateurs.
  • Améliorer la sensibilisation des consommateurs, en tenant compte des besoins des groupes les plus vulnérables tels que les enfants, les personnes âgées ou les personnes handicapées.
  • Promouvoir une protection élevée des consommateurs à l’étranger notamment vis-à-vis de la Chine (sécurité des produits, achats en ligne).

La mise en œuvre de cet agenda passe par la révision ou l’établissement de nouveaux Règlements ou de nouvelles Directives. Les Règlements (comme celui sur les droits des passagers ou celui sur les frais d’itinérance) sont des actes législatifs contraignants pour les Etats membres tandis que les Directives sont des actes législatifs qui fixent des objectifs que les Etats membres doivent traduire dans leur propre législation avec des mesures propres pour les atteindre.

Sont notamment concernées, par l’agenda, les directives « relatives aux droits des consommateurs », « sur les pratiques commerciales déloyales », « sur la sécurité générale des produits », etc… C’est sur la révision ou l’établissement de ces nouvelles règles que l’UFC Que Choisir intervient au niveau européen par l’intermédiaire du BEUC. Mais nous intervenons, aussi, sur toutes les questions concernant la santé, le numérique, l’agriculture, etc…

 

2.3 – Mais protéger les consommateurs est-il toujours la priorité pour l’UE ?

Malgré cet agenda ambitieux, au vu de plusieurs décisions notamment en 2023, on peut légitimement se poser la question. Divers secteurs industriels – l’agro-industrie, la plasturgie, etc. –, hostiles à toute entrave à leurs activités, ont mené un lobbying intense, et efficace complété par les récentes manifestations des agriculteurs partisans (la FNSEA en tête) d’une agriculture intensive libre de toute entrave environnementale.  Les élus du Parti populaire européen (le PPE, groupe parlementaire de la droite conservatrice, auquel appartiennent Les Républicains) ont, avec l’appui de l’extrême droite, fait dérailler le train législatif du Pacte vert. Parmi les mauvaises décisions contre lesquelles nous nous sommes battus avec le BEUC on peut citer :

  • Malgré les nombreuses alertes des milieux scientifiques sur sa dangerosité le glyphosate a été reconduit pour 10 ans…alors qu’il ne l’était précédemment que pour cinq ans.
  • A la surprise générale, le Parlement européen a rejeté le règlement SUR, qui prévoyait de diminuer massivement l’emploi des produits phytosanitaires.
  • La réforme de la réglementation Reach, lancée dans le sillage du Pacte vert, est en panne. Or, celle-ci sert à faire le ménage parmi les centaines de milliers de substances chimiques qui nous entourent. Parmi les progrès attendus, la possibilité d’interdire, d’un bloc, des familles de composés nocifs, comme les PFAS ou les bisphénols. Cette refonte devait être bouclée fin 2022 ; elle a été reportée à fin 2023, avant de disparaître du calendrier européen.
  • Les digues de protection autour des nouveaux OGM, dits NTG (pour nouvelles techniques génomiques), risquent de sauter. Certains ne seraient pas soumis à traçabilité, d’après le projet de révision de la réglementation présenté en juillet par Bruxelles. Dès lors, impossible de les évaluer, de les tracer et de les étiqueter en tant qu’OGM.
  • Que Choisir a déjà relaté les attaques incessantes contre le Nutri-Score de la part de fédérations de l’agro¬alimentaire et de plusieurs pays, l’Italie en tête. Les discours virulents contre le pictogramme ont contraint Bruxelles à temporiser, et le choix d’un affichage nutritionnel commun à l’Europe, prévu pour 2022 puis 2023, a fini au placard. Dommage que la France, pourtant à l’origine de cet indice, ne le défende que mollement.
 
3 - L’UFC Que Choisir agit sur la scène européenne

L’UFC Que Choisir intervient sur la scène européenne pour faire avancer les droits des consommateurs de différentes manières.

3.1 – Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC)

Le BEUC, c’est 45 organisations membres issues de 31 pays européens, un exécutif (dont l’UFC Que Choisir est membre), une Assemblée générale et une quarantaine de salariés dont le travail consiste à promouvoir, défendre et représenter les intérêts des consommateurs européens lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques de l’UE. Concrètement, le BEUC fait entendre la voix des consommateurs européens et défend une politique consumériste au sein de l’UE. Cette dernière doit promouvoir une économie durable et aboutir à des produits et des services qui ne mettent pas la santé ou la sécurité des consommateurs en danger, tout en protégeant leurs intérêts économiques et juridiques.

Le secrétariat du BEUC est basé à Bruxelles, où il coordonne et centralise les contributions de ses membres au processus décisionnel de l’UE. Le BEUC est financé, d’une part, par ses membres ; d’autre part, par des subventions de l’UE. Il reçoit aussi des subventions spécifiques pour participer à des projets ciblés financés par l’UE ou des donateurs privés.

L’UFC-Que Choisir intervient aussi lors de conférences à Bruxelles. Elle porte ainsi la voix des consommateurs français sur la scène européenne. Elle sollicite les députés européens français, mais aussi le gouvernement et la Commission européenne pour influencer l’élaboration de la législation européenne en faveur des consommateurs. Elle participe à des projets européens, avec ses homologues pour apporter des réponses européennes à des préoccupations communes.

3.2 - Le Groupe consultatif européen sur la consommation (CPAG)

Les consommateurs sont aussi représentés auprès de l’Union par le Consumer Policy Advisory Group (CPAG). C’est l’UFC Que Choisir qui représente la France au sein du CPAG dont font aussi partie le BEUC et plusieurs associations de consommateurs européennes. Le Groupe émet des avis sur les questions communautaires, il conseille et oriente la Commission lors de la définition des politiques et activités ayant une répercussion sur les consommateurs. Il est consulté chaque fois que la Commission européenne l'estime nécessaire, souvent par "procédure écrite", parfois par le biais de groupes de travail, et joue un rôle essentiel dans l'échange d'informations entre la Commission et les organisations de consommateurs sur le terrain.

3.3 – Un bilan des actions en 2023, des résultats obtenus et des sujets en cours

Voici quelques exemples de sujets sur lesquels l’UFC Que Choisir et le BEUC sont intervenus récemment auprès des institutions européennes (Commission ou Parlement) parfois avec succès, certains de ces sujets étant toujours en débat :

  • Dans le cadre de la révision de la directive sur le crédit à la consommation nous avons obtenu plusieurs résultats renforçant les droits des consommateurs : l’extension de la directive à toutes les formes de crédit (mini-crédits, LOA...), une amélioration de l’information apportée au consommateur avec une meilleure lisibilité des offres, le choix de l’assurance, des conditions plus favorables pour la renégociation ou la restructuration de crédits…
  • Dans une nouvelle directive un ensemble de mesures a été adopté pour lutter contre le « green-washing » et les allégations environnementales sans fondement accompagnées d’une prolifération de logos. Les professionnels devront fournir des preuves à l’appui des mentions publicitaires liées au respect de l’environnement. Quant aux très répandues allégations d'impact environnemental neutre ou positif fondées uniquement sur la compensation des émissions carbone elles seront interdites. En parallèle pourront être développés (et l’UFC Que Choisir y contribuera) des indicateurs pertinents de nature à orienter les achats des consommateurs vers les produits les plus respectueux de l’environnement comme le Planet-score mais le gouvernement français doit revoir sa copie comme viennent de le souligner 10 associations et ONG dont l’UFC Que Choisir.
  • La nouvelle directive européenne « Omnibus » a été publiée fin 2021 au Journal Officiel de la Commission Européenne. Elle contient plusieurs dispositions pour lesquelles nous nous sommes battus: une meilleure information des clients des marketplaces, un meilleur encadrement des rabais et promotions affichées. Ces dispositions ont été traduites courant 2022 dans le droit français.
  • Concernant les véhicules électriques nous avons obtenu plusieurs avancées : un déploiement accéléré des bornes de recharge rapide (une tous les 60 km sur les grands axes), un paiement toujours possible par simple carte bancaire et un affichage des prix compréhensible.
  • Concernant les nouveaux OGM (dits NTG : Nouvelles Techniques Génomiques) si nous n’avons pas réussi à obtenir que leur dangerosité soit évaluée par contre leur étiquetage sera obligatoire.
  • Dans le domaine de la santé nous avons fait part au Ministère de la santé et à la Commission Européenne de nos remarques concernant les discussions, sur l’espace européen, des données de santé en lien avec la protection des données personnelles.
  • La révision des droits des passagers au niveau européen est en cours. Nous nous opposons bien sûr à toute réduction de ses droits (suite à la crise Covid) et proposons une extension de ces droits dans le cas des voyages à forfait et des voyages multimodaux (ex train – bus – avion).
  • Enfin nous nous battons pour que les textes en discussion augmentent la durée de vie des biens en favorisant la réparation, pour que le consommateur ait toujours le choix du “remède” en cas de produit cassé (réparation ou remplacement), pour une extension des durées de garanties légales à cinq ans et pour un indice de réparabilité (ou durabilité) européen au moins aussi ambitieux que celui qui va être mis en place en France.

3.4 - Un « Manifeste pour une consommation plus responsable » pour rapprocher l’Europe des citoyens

Si, au cours des mandatures passées, nous avons pu obtenir quelques belles victoires comme l’abolition des frais d’itinérance/roaming pour la téléphonie mobile, un cadre plus protecteur des consommateurs en matière de crédit à la consommation, des droits des passagers, mais aussi regretté quelques échecs comme la reconduction du glyphosate, le Nutriscore, les reculs sur le « Pacte vert », il n’en reste pas moins que l’élection du nouveau parlement le 9 juin est un enjeu important pour les consommateurs européens, la préservation et l’amélioration de leurs droits. C’est pourquoi l’UFC Que Choisir a résumé dans son « Manifeste pour une consommation responsable »  plusieurs propositions soumises aux différentes listes candidates déclinées autour de quatre objectifs :

  • Pour orienter les consommateurs vers des choix plus durables ;
  • Pour un environnement sans substances indésirables ;
  • Pour une mobilité respectueuse des enjeux environnementaux et des droits des consommateurs ;
  • Pour un environnement numérique sûr.

Autour de ces quatre objectifs nous avons identifié 16 problèmes pour lesquels nous proposons des solutions qui relèvent des compétences européennes et que nous voulons voir reprises par les listes candidates.