Parmi les compétences majeures des régions se trouvent les politiques de mobilité, et tout particulièrement l’organisation des trains express régionaux (TER). Ce dossier fait le point sur l’état des TER, notamment dans la région Occitanie. Alors que la voiture tient encore une place écrasante dans les déplacements quotidiens, les conseils régionaux, en tant qu’autorités organisatrices des transports, doivent donner un nouveau souffle au TER, aujourd’hui englué dans des problèmes récurrents de qualité. C’est pourquoi la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) et l’UFC-Que Choisir ont présenté à l’occasion des élections régionales cinq conditions pour rendre possible cette relance des trains régionaux, et ont adressé aux candidats dix demandes concrètes.
 
I - La mobilité un enjeu pour les politiques régionales
  1. La mobilité quotidienne encore trop tournée vers la voiture

    Dans les déplacements du quotidien, à l’échelle du département ou de la région, la voiture reste prépondérante. En Occitanie, 78,2 % des déplacements domicile-travail de 5 km kilomètres se font en voiture. Les transports en commun (tous modes confondus) en réalisent 12,8 %, et le vélo 3,8 %. A l’échelle de l’ensemble de nos déplacements (France entière), les tendances sont proches : si la voiture totalise plus de 80 % des kilomètres parcourus, le train a une part modale de 10 % , et le vélo de 3 %.

    Dans ces conditions, la marge de progression du transport collectif, mais aussi du vélo, est réelle. Cette progression est indispensable tant du point de vue environnemental (pour favoriser des modes de déplacement pas ou peu émetteurs de CO2) que du point de vue budgétaire, puisque la voiture est nettement plus coûteuse pour les voyageurs que les transports publics ou le vélo. Alors que 81 % des Français résident à moins de 7,5 kilomètres d’une gare, l’association de ces deux modes de transport permet de répondre à de nombreux besoins de déplacements de courte, moyenne et longue distance.

  2. Les Conseils régionaux, autorités organisatrices des transports

    Les régions ont été désignées Autorités organisatrices des transports par la loi. Depuis 2002, ce sont ainsi elles qui organisent et qui financent les services de trains express régionaux (TER), ou les offres de substitution par la route. Elles décident de l’étendue de l’offre (lignes desservies, fréquence), de la politique tarifaire (prix des billets, prix des abonnements, éventuelles politiques de réduction ciblées) et financent le matériel roulant.

    Pour exécuter le service ferroviaire régional, les régions passent des conventions d’exploitation avec un opérateur ferroviaire qui est jusqu’à présent, la SNCF. En effet depuis décembre 2019, les régions qui renouvellent leurs conventions ont la possibilité de lancer un appel d’offres ouvert à d’autres acteurs que la seule SNCF mais pour l’instant, aucune délégation de gestion à un opérateur ferroviaire alternatif n’a été signée. Ces contrats pluriannuels prévoient les modalités détaillées de l’offre mais également le financement public qui y est associé. Les TER de la région Occitanie sont subventionnés à hauteur de 81 % de leur chiffre d’affaires. La région a ainsi consacré 306 millions d’euros en 2019 pour l’exploitation des TER. Payeurs, les Conseils régionaux sont donc les décideurs, y compris sur de nombreux aspects qui concernent directement les voyageurs : définition des horaires et des fréquences, exigences sur la ponctualité et la qualité de service, bonus/malus ou pénalités à l’exploitant en cas de retards trop fréquents, dispositifs d’indemnisation des voyageurs abonnés quand le service est dégradé sur une longue période, etc.

    Au-delà des trains régionaux, les régions ont également des compétences pour favoriser l’usage du vélo. Stratèges par le biais des Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), appui aux autres niveaux de collectivités par leurs subventions ou la gestion des subventions européennes, mais aussi gestionnaires des lycées, universités et de nombreuses infrastructures, les régions sont un élément clé du système vélo. Cheffe de file de la mobilité, la Région l’est aussi pour la formation et le développement économique, et peut donc à ce titre développer l’économie du vélo circulaire, sociale et solidaire, ainsi que le tourisme à vélo. Enfin, les régions seront amenées à se substituer aux communautés de communes, pour plus d’un tiers d’entre elles, comme Autorité Organisatrice de la Mobilité locale.

 
II - TER : l’impérieuse nécessité d’un sursaut
  1. La dynamique cassée des trains régionaux

    Depuis le transfert aux régions des TER, celles-ci ont consenti à de lourds investissements pour augmenter l’offre de trains régionaux et, partant, la fréquentation. Ainsi, alors qu’en 2002, 138 millions de trains-kilomètres de TER avaient été comptabilisés, le volume offert s’élevait à 170 millions de trains-kilomètres en 2019. Après avoir fortement augmenté entre 2002 et 2012, l’offre s’est stabilisée depuis.

     L’augmentation du nombre de trains offerts (ainsi que leur modernisation, là encore financée par les régions) s’est traduite par une croissance très marquée de la fréquentation, passée de 9 milliards de voyageurs-kilomètres en 2002 à 14 milliards dix ans plus tard. La dynamique s’est toutefois enrayée depuis, avec une stagnation remarquée du nombre de voyageurs des trains régionaux. La croissance forte en 2019 (+ 10,6 %) ne doit à ce titre pas faire illusion : elle est la résultante d’un changement de périmètre statistique, et non d’un retour des voyageurs vers les trains régionaux.

    Deux conclusions semblent pouvoir être tirées de l’évolution de la demande. D’une part, il existe bien une appétence des voyageurs pour les TER : lorsque le réseau s’étend, lorsque la fréquence augmente, lorsque les trains sont modernisés, comme cela fut le cas massivement durant la décennie 2002-2012, les voyageurs répondent présents (+ 55 %). D’autre part, un plafond semble atteint, comme en témoigne la stagnation du nombre de voyageurs TER au cours des années 2010.

    A ce jour, toutes les conditions ne sont pas réunies pour permettre un regain de la fréquentation. Outre une médiocre qualité de service (voir ci-après), l’accueil de tous les usagers n’est toujours pas une réalité dans bon nombre de territoires. D’une part, l’accessibilité des gares pour les personnes en situation de handicap est un chantier qui a pris du retard. D’autre part, la facilitation de l’intermodalité vélo-train, que ce soit par des aménagements sécurisés vers les gares, du stationnement en gare en quantité suffisante, ou par l’embarquement des vélos dans les trains, est encore loin d’avoir atteint son plein potentiel.

    Si les causes sont nécessairement multiples (évolution du prix du carburant, grèves plus ou moins fortes selon les années, développement du co-voiturage et des « cars Macron »), les lacunes en termes de qualité de service, et plus particulièrement sur la ponctualité, apparaissent comme un frein évident au développement de l’usage du TER. Tant que la fiabilité de ce mode de transports ne s’améliorera pas, trop de voyageurs renonceront à utiliser quotidiennement les trains régionaux, et le plafond de verre de la fréquentation ne sera pas brisé.

  2. La ponctualité, frein persistant au recours aux TER

    Pour devenir durablement une alternative à la voiture individuelle, le TER doit présenter une fiabilité élevée. L’enjeu est en effet crucial pour les voyageurs réguliers (étudiants ou travailleurs, par exemple). Un taux de 90 % de ponctualité, qui peut sembler honorable, signifie en réalité que chaque semaine, un abonné subira en moyenne un retard significatif ou une annulation de train – ce qui aura des répercussions aussi directes que concrètes dans sa vie quotidienne. C’est donc bien l’excellence qu’il faut viser, et non se satisfaire de la médiocrité, si l’on veut ramener plus de voyageurs vers le ferroviaire.

    Pourtant, en l’état, les performances de la SNCF ne sont pas à la hauteur. La régularité dépend de deux facteurs : le nombre de trains annulés, et le nombre de trains qui arrivent en retard à destination. Sur aucun de ces deux facteurs, le TER de notre région ne brille. Il a même le taux le plus important de trains annulés parmi les 11 régions (hors Ile de France et Corse non comparables).

     Ainsi, en 2019 (l’année 2020, compte tenu des circonstances sanitaires qui l’ont rendue absolument atypique, n’a pas été étudiée), 14 % des TER ont été déprogrammés ou annulés. La différence entre les deux catégories tient à la classification par la SNCF des trains qui ne roulent pas : s’ils sont annulés la veille avant 16h, ils ne sont pas considérés comme annulés, mais comme déprogrammés. Si, pendant des années, ces chiffres ont été un secret bien gardé, le travail de transparence statistique remarquable mené par l’Autorité de régulation des transports (ART) a permis de faire toute la lumière sur ces annulations bien réelles pour les usagers, mais jusqu’alors pudiquement absentes des statistiques. Pourtant, ce sont bien, et de loin, les trains déprogrammés qui sont le plus nombreux (14%, contre 1,6 % pour les trains annulés), notamment car les trains supprimés lors des grèves sont dans leur grande majorité comptabilisés comme déprogrammés et non comme annulés.

    Concernant les retards, la situation n’est pas plus brillante, avec 12 % des TER qui sont arrivés en retard à destination (seuil à 5 minutes) en 2019.

 
III – Pour une nouvelle donne du transport ferroviaire régional

Augmenter de moitié la fréquentation des TER d’ici 2030

L’exemple de la décennie 2002-2012 le prouve : il est possible d’augmenter massivement le recours aux trains régionaux, dès lors que les politiques menées sont ambitieuses et favorables aux usagers. Il est donc impératif de laisser derrière nous la décennie perdue que nous venons de vivre, où la fréquentation du transport ferroviaire régional a stagné, grâce à la mise en œuvre par les Conseils régionaux d’une nouvelle donne du TER. Cette nouvelle donne doit se donner un objectif ambitieux : faire un nouveau bond de 50 % dans la fréquentation des TER, comme nous l’avons connu après la régionalisation, d’ici à 2030. Un objectif réaliste, atteignable et souhaitable.

Près d’un million de tonnes de CO2 économisées à l’échelle du pays

Si l’augmentation du recours aux TER est indispensable, c’est qu’elle générerait des bénéfices évidents pour la collectivité. Le ferroviaire étant un secteur aux lourds coûts fixes (infrastructure, achat et maintenance du matériel), une croissance de la part modale du train est génératrice de gains majeurs.

Tout d’abord pour l’environnement : augmenter de 50 % la fréquentation des TER, dans l’hypothèse où les voyageurs supplémentaires seraient d’anciens automobilistes sur ce même trajet, permettrait d’économiser 0,94 million de tonnes de CO2 par an à l’échelle du pays, soit l’équivalent des émissions carbone liées au transport de près d’un demi-million de personnes (463 000) !

Dans le même temps, les voyageurs qui délaisseraient leur véhicule personnel pour utiliser le TER, a fortiori dans des formules d’abonnement souvent avantageuses, bénéficieraient d’économies sur leur budget de déplacement, qu’il est toutefois malaisé de chiffrer.

L’offre TER actuelle est en mesure d’absorber ces voyageurs supplémentaires

Souhaitable, cet objectif est aussi réaliste. En effet, le taux d’occupation moyen des TER en Occitanie était en 2019 de 31 % suivant les chiffres de l’ART (Autorité de Régulation des Transports). Si certaines lignes déjà fréquentées pourraient, aux heures de pointe, nécessiter un renfort d’offre, la grande majorité de ces nouveaux utilisateurs du TER pourrait donc sans peine s’insérer dans l’offre actuelle, à coût inchangé pour le système ferroviaire.

Enfin, l’objectif est atteignable. La fréquentation des TER est, en France, relativement limitée aujourd’hui, par rapport par exemple à l’Allemagne. Ainsi, alors qu’en France le TER représente 1,5 % des déplacements, cette part s’élève à environ 3,6 % en Allemagne, plus de deux fois plus. En conséquence, et compte tenu en outre du précédent des années 2000, on peut penser que, à condition de mener une politique résolue d’attractivité et de qualité du train régional, une augmentation du recours au TER est possible en France.

Nos propositions pour relancer les TER
A l’occasion des élections régionales de juin 2021, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) et l’UFC-Que Choisir ont décidé de travailler ensemble pour porter ce projet de nouvelle donne et de faire dix propositions aux candidats à ces élections.